Cette carte de 1683 présente le particularisme de préciser la partie Ouest de la Martinique comme étant “Demeure des Francois” et celle de l’Est comme “Demeure des Sauvages”.
Visscher Nicolas II Insula Matanino vulgo Martanico in lucem edita per Nicolaum Visscher cum privilegio Ordin : general : Belgii Foederati à Amsterdam chez Visscher.
La carte est inspirée de celle de Sanson d’Abbeville et montre le partage physique et ethnique de la Martinique entre français et "sauvages" (le peuple caraïbe) intervenu en 1639 après de rudes échanges belliqueux dus au début de la colonisation française.
Sous l'administration du gouverneur du Parquet, les relations seront quand même qualifiées d'amicales, les uns et les autres s'entraidant volontiers. Ce partage cessera en 1659 par l’expulsion des Caraïbes qui se replient sur la Dominique et Saint-Vincent.
Nicolas Visscher a repris dans sa presque intégralité, les détails fournis par la carte de Sanson/Dutertre. Il a cependant apporté quelques modifications au contour général de l'île. Les sources disponibles en 1683 semblent relater une certaine richesse de la colonie, cette richesse trouve son aboutissement dans un profil qui apparaît avec un peu plus d'embonpoint. L'étang des salines est moins étendu que sur la carte de Sanson. Les Français occupent la Basse-Terre qui va approximativement de l’actuelle Basse-Pointe à Sainte-Luce.
La maison de Monsieur du Parquet "autrefois gouverneur" est indiquée. Dans la carte de Sanson, elle y était également signalée. Les magasins et les lieux où les "Poids du Roy" sont disponibles sont également positionnés. Les poids du roy garantissent aux colons des mesures officielles et garanties dans les échanges commerciaux (poids de sucre, de tabac appelé encore pétun, d’indigo, etc). La plupart des transactions commerciales de l'époque sont quantifiées en poids de pétun ou de sucre. L"Isle aux Loups Marins" nommé dans la carte de Sanson porte maintenant son nom : "Isle des Loups-Garoux".
Quelques habitations sont indiquées : habitation du monsieur Daragon, du sieur de Merville, et celle du sieur d'Oragne au fonds mouillage à Saint-Pierre. Actuellement existe le morne dit d'Orange à proximité du mouillage de Saint-Pierre, le graveur a certainement commis une inversion de lettre.
Les sauvages occupent la Cabesterre, les principaux lieux de regroupement (carbets, cases, etc) sont référencés comme dans la carte précédente de Sanson. Pour la Cabesterre sont indiqués la "Case de Caerman" ainsi que l’îlet de Caerman et la "Baye de Grimal" au Nord Est de l’île (l’îlet de Caerman correspond à l’actuel îlet Saint-Aubin, la Baye de Grimal à la baie de la Trinité), "le carbet du capitaine Pilote" (à Rivière Pilote). Les différentes cayes appelées "basses" sont très joliment dressées.
La toponymie de la colonisation a conservé les noms des principaux chefs caraïbes, "capitaines" ou "pilotes" en référence aux capitaines des navires européens. Dans le manuscrit de l'Anonyme de Carpentras qui relate le séjour d'un naufragé français à la Martinique quelques années avant le début de la colonisation française, sont mentionnés les noms de ces mêmes chefs caraïbes dénommés "capitaine Salomon" l’un des principaux de l’île", le capitaine Pilotte ou Pilote, le capitaine Louis ou Louys. La Rose (pointe La Rose) est également le nom d'un lieu occupé par un chef Caraïbe.
Les détails de la légende montrent les productions principales de l’île de la Martinique. Le cartouche est entouré d’un faisceau de cannes à sucre et présente également deux pains de sucre coniques, des fruits tropicaux et des denrées tropicales (ballot de tabac ou d'indigo). La vocation sucrière de l'île qui prendra vraiment son essor au XVIIIe siècle est d'ores et déjà soulignée. Par contre la présence d’une dépouille de bison ou de buffle, semble relater une vision européenne du nouveau monde qui correspond davantage aux vastes plaines de l'Amérique du nord.